dimanche 17 avril 2011

Dépression...dépression...

Il faut parfois se rendre au bout de quelque part pour réaliser que nous nous sommes enlisés dans un sentier connu, mais inconfortable.

Depuis des années, je coure à gauche, à droite, j'avance, je recule. Je crois travailler à m'améliorer, mais sans le savoir, je stagne. En fait, je tourne en rond.

Sans le savoir consciemment, sinon, j'aurais réajusté mon GPS, cela va de soi.

J'ai réalisé que j'avais l'air de faire des changements en courant à gauche et à droite, mais que je n'osais pas (inconsciemment) en faire réellement. Pourquoi? La crainte de l'inconnu, la peur de réaliser que mes rêves n'étaient que des bulles, la crainte d'une déception, l'insécurité...et la peur de la dépression ("imagine si je réalise ce que je veux et que je me trompe finalement, cela va m'achever"). C'est beaucoup plus facile d'être en action sans réellement se regarder le nombril.

Ces craintes et ce tourbillon de mouvements qui finissaient par me laisser sur place m'ont justement mené à la dépression. Souvent, nos craintes nous empêchent d'avancer. Et parce que l'on n'avance pas, ces craintes finissent par se réaliser. D'une simplicitée effayante.

Alors voilà. J'étais donc en arrêt de travail. Et ce temps de repos s'est révélé être un réel "shut down".

Mon cerveau était fatigué de courir à gauche et à droite. Mon hamster a démissionné. Complètement anesthésié.

Évidemment, moi, la fille qui se passionne de psycho, la coach en formation, la maman aux 15 rôles, je suis en dépression? noooon. Impossible. Ça doit être un burn-out. Parce que dans la tête de plusieurs personnes, faire un burn-out signifie que tu as vraiment trop travaillé. C'est plus socialement acceptable...

Mais une dépression? Ce n'est pas un signe de faiblesse cela? "Voyons, pourquoi elle ne se botte pas le derrière? On a tous des passes de déprime. Mais là, elle est à la maison. Ne me dites pas qu'elle ne peut pas prendre 10 minutes de son temps pour aller acheter du lait."

Eh bien non. Et oui. Oui on a du temps. Plein de temps. On ne travaille pas. Mais dans le creux de la dépression, aller acheter du lait, ou pire, se coiffer, est une tâche difficile. Le problème, c'est que nous n'avons pas une jambe dans le plâtre. Cela ne parait pas de l'extérieur. Les proches ont donc tendance à l'oublier.

Les proches qui le savent, évidemment. Parce que souvent, les gens en dépression sont les mêmes qui sont idéalistes, qui s'imaginent qu'ils doivent être quelqu'un qu'ils ne sont pas, mais qui croient que les autres le veulent comme cela. Dure claque dans le visage de devoir annoncer son état. Et de n'être plus que la version "brisée" de soi-même. Ou plutôt, dans mon cas, une version à la fois anxieuse, anesthésiée et d'humeur changeante de mon moi-même. On évite donc d'élaborer sur le sujet.

C'est en octobre passé que je suis tombée en arrêt de travail. Tombée est un mot de choix, puisque je suis aussi tombée de haut en apprenant que j'étais en dépression. Et quand je dis que certaines personnes ont de la difficulté à réaliser notre état, voici un petit exemple: mon employeur voulait envoyer une employée chez moi pour qu'on travaille sur un dossier important. Malgré le fait que je lui ai expliqué clairement que j'étais en dépression. Mais pour lui, si on se donne un petit coup de pied au ccc..., ça va passer. "J'avais juste besoin d'un peu de repos, donc après trois semaines, j'étais apte à monter un dossier selon lui". ...

Mais l'idéaliste et l'orgueilleuse en moi ont fait qu'au lieu de ralentir convenablement, j'ai passé des semaines à me questionner, me sentir coupable, prendre tout mon petit change pour être "socialement" fonctionnelle. C'est-à-dire m'occuper de mes enfants, ne voulant pas être une charge pour mon chum. M'occuper des repas, des devoirs, aller à des réunions d'école, de famille, d'amis, de Noël, sans trop avoir l'air ébranlée. Cela m'a demandé beaucoup d'efforts. Beaucoup, je vous le confirme. J'aurais plutôt dû accepter mon état. La dépression aurait été moins longue.

D'un côté il y avait moi. Incapable de me calmer. Et de l'autre côté, mes psys (oui, une psy et une psy d'assurances travail...qui venait voir si j'étais véritablement en dépression à la maison. Une politique d'assurances il paraît. Tout pour nous aider à accepter!) Donc, je disais mes psys, qui tentaient par tous les moyens de me faire réaliser que tant que je ne m'arrêterai pas, tant que je n'irai pas voir, calmement, à l'intérieur de moi, tant que je ne reconnecterai pas avec moi...la guérison s'étirerait.

Cela m'a pris au moins 3 mois à comprendre ce qu'elles voulaient dire.

Le plus difficile a été de perdre mes facultés mentales: mémoire, attention, etc. Faire un calcul simple était excessivement difficile. Je me souviens qu'à Noël, j'ai eu beaucoup de difficulté à gérer la liste de cadeaux au magasin. "Ex-multitask", je suis devenue "one-way" dans mon cerveau. Incapable de gérer deux choses en même temps. On a l'impression d'avoir le cerveau dans le jello. Complètement. Je me souviens aussi qu'à Noël, mon chum voulait inviter ses amis et il m'a avisé une semaine à l'avance. En temps normal, je l'aurais remercié de m'aviser plusieurs jours à l'avance. Dans ma tête engluée, j'ai plutôt paniqué et fortement réagit en me demandant comment j'allais faire pour recevoir des gens dans une semaine! Comment arriver à faire le ménage à temps! Car en dépression, un élément banal devient une montagne. Tout est difficile à faire. Se laver devient un objectif de journée. C'est pour vous dire...

J'en parle aujourd'hui car je vais beaucoup mieux. Parce qu'en dépression, tu n'as pas envie d'en parler. Pas moi en tout cas. Mais petit à petit, avec un travail en thérapie combiné à des anti-dépresseurs, tu réalises que tu sais encore compter. Quelques sourires apparaissent. Tu retrouves la forme. Tu arrives à fonctionner. Puis lentement, tu deviens une personne différente. La vraie toi. Et heureuse.

Parce que, comme me disait la psy-assurances, la dépression, c'est malheureux. Mais c'est bien. C'est habituellement un signe que tu dois changer tes façons de penser ou de faire pour te rapprocher de la vraie toi, avec tes rêves, tes aspirations réelles. Trouver un sens à ta vie. Car ton corps t'a envoyé un signe. Signe que tu n'étais pas dans le bon chemin.

J'ai attrapé ce signe et j'ai été suivre une thérapie "en profondeur". Pas toujours agréable. Mais qui fait tellement du bien. De semaines en semaines, tu découvres qui tu es réellement, et sans effort particulier, tu as envie de faire ce qui te rend heureuse. Tu passes de la phrase "est-ce bien ce que les autres attendent de moi???" à "en ais-je vraiment envie?".
 
Pour les gens qui vivent présentement la dépression, croyez-moi, on s'en sort. Et souvent, de façon très positive. Même si c'est difficile à croire dans la phase creuse de la dépression. Si nous avons travaillé sur nous, évidemment. Les réponses ne tombent pas du ciel, malheureusement. N'hésitez pas à en parler. C'est à force d'en parler que le sujet sera moins tabou.

Ici je m'adresse aux maris-femmes-amis-patrons-fratrie-parents, etc des gens en dépression, svp imaginez que votre proche porte un plâtre sur la tête et le corps. Cela va vous aider à ne pas oublier son état et soyez patient. Car c'est très difficile de le comprendre lorsque nous ne l'avons jamais vécu. Et oui, c'est très difficile pour l'entourage de vivre avec une personne dépressive. Mais si la personne est bien entourée, la maladie a des chances de durer moins longtemps.

Pour terminer, vous devez comprendre qu'une personne en dépression ne se rétabli pas en pente ascendante, de façon continue. Elle traverse plutôt des collines, jusqu'à ce qu'elle arrive enfin au sommet de la montagne, où là, elle peut enfin respirer. Et où ses proches retrouvent enfin la personne qu'ils aiment.